Monument I.

Christian Boltanski, né en 1944, vit et travaille à Paris. Depuis une vingtaine d’années, son médium de prédilection est la photographie qu’il utilise dans des mises en scène dont l’objectif est, d’une part le questionnement sur le degré de réalité ou de fiction des « documents » photographiques et, d’autre part, l’exploration systématique (avec des méthodes évoquant celles de l’archéologie ou de l’ethnographie) de la mémoire (ou des mémoires) collective et individuelle. L’art étant pour Christian Boltanski moyen d’investigation et de questionnement, ce peintre est considéré comme l’une des figures les plus représentatives de l’art conceptuel en France. L’œuvre de Strasbourg met en scène des images d’enfants extraites de l’une des anciennes photos de classe de l’artiste qui renoue ainsi avec sa pratique d’appropriation de photographies d’amateurs, images banales et anonymes devenues les clichés d’une mémoire universelle. « Monument » est une pièce d’installation, tous les éléments indépendants les uns des autres devant être « montés ». Composée de cinquante-deux photographies sous verre encadrées de métal (comme l’étaient autrefois les paysages décorant les wagons de la S.N.C.F.) et de dix-sept ampoules électriques, cette œuvre s’impose d’emblée par la rigueur de son dispositif et sa mise en scène très théâtrale. La plupart des photographies encadrées, horizontales, rectangulaires et de même module, forment les briques de ce qui se donne dès le premier regard comme un vaste autel supportant trois pyramides au sommet desquelles culminent trois visages d’enfants. La photogr aphie au centre est celle de l’enfant Christian Boltanski. Illuminés par des ampoules, ces visages graves, en noir et blanc, au regard fixe, sont des icônes, des ex-votos, des images de culte et de dévotion. Tout ici, l’autel, les halos de lumière, les trois pyramides (architecture funéraire égyptienne ou tombes toltèques?) charge cette pièce d’un caractère à la fois religieux et funèbre. Mais le « Monument » lorsqu’on s’en approche, devient une pièce montée de pacotille, fragile, faite de petits riens, de loupiotes de foire, de fils électriques pendant de façon aléatoire, et de papier de Noël reprophotographié. Boltanski pose ici le problème de l’identité photographique, du jeu, de l’enfance, de la mort, et parodie les rites magiques, religieux et funéraires, se faisant l’ethnologue non pas de ces rites mais des traces, des clichés qu’ils laissent dans nos mémoires. Et cela, avec un continuel et subtil balancement entre cruauté et tendresse, gravité et dérision.