Lens.

Tony Cragg, né en 1949 à Liverpool et résidant à Wuppertal, a renouvelé, avec Richard Long et Barry Flanagan, la sculpture anglaise, fortement marquée par l’abstraction dans les années soixante. La première fois qu’il participa à une exposition internationale (« Europa 70 » à Stuttgart), Tony Cragg attira l’attention par ses agencements au sol d’objets trouvés, quotidiens, de provenances extrêmement diverses. Il a, dès cette époque, manifesté sa volonté de situer son travail au sein de la civilisation industrielle contemporaine, n’utilisant comme matériaux que les objets usagés, les rebuts, constituant les traces de notre société. Ces objets sont accumulés, assemblés en fonction de leur matière, de leur couleur, ils deviennent « matériaux » (et perdent donc leur caractère individuel), « matériaux » qui servent à l’élaboration d’une certaine image. L’art de Tony Cragg, qui est issu d’une vision critique de not re société de consommation et qui participe d’une archéologie urbaine et contemporaine, repose sur la combinaison subtile de trois paramètres: des objets, des matériaux et une image. L’installation monumentale, intitulée « Lens », constitue une sorte d’échantillonnage, de présentation pseudo-muséale, d’objets actuels produits par l’homme. Objets aisément identifiables mais qui se trouvent métamorphosés, neutralisés, par leur recouvrement uniforme de déchets de matière plastique colorée. Ces objets recouverts, devenus les matériaux mêmes de l’artiste, servent à élaborer une forme qui s’avère être ici celle d’une lentille occulaire (nous renvoyant à l’idée de vision). Cette oeuvre impressionnante, qui est le résultat d’un équilibre entre objets, matériaux et image, peut aussi être interprétée comme une représentation critique des pratiques muséales.